L'entrée du tumulus de Midas III
les Phrygiens sont, selon toute vraisemblance, une peuplade originaire du sud des Balkans (où ils étaient connus sous le nom de "Briges") et qui, après avoir traversé la Macédoine puis la Thrace, vinrent s'installer en Anatolie entre 1200 et 1100 avant J.C, avec probablement la bénédiction de l'antique Troie.
On ne connait pas très bien pour autant les relations qui existèrent entre la cité-état et les Phrygiens, ni d'ailleurs celles que ces derniers purent entretenir avec leur grand voisin Hittite, dont la civilisation (pour des raisons encore obscures) allait rapidement péricliter !
Le tumulus de Midas à Gordion (Yassihöyük)
Certains auteurs avancent que les Phrygiens, sans faire partie des fameux "peuples de la mer" (un vocable fourre-tout utilisé pour nommer les nombreux envahisseurs qui à cette période déstabilisèrent l'Anatolie et le Moyen-orient et firent trembler jusqu'aux deux royaumes d’Égypte !), auraient profité de la situation afin de mettre à genou le puissant empire jusqu'à le faire disparaître !
Toujours est-il que les Hittites disparurent à cette période et que les Phrygiens commencèrent, eux, à conforter leurs possessions jusqu'à occuper au 8e siècle avant J.C une grande partie de l'Anatolie et devenir ainsi la principale puissance régionale.
Mais vers 700 avant notre ère les phrygiens furent envahis (ainsi va le monde !) par les Cimmériens (un peuple venu d'Iran), avant que les Lydiens à leur tour ne dominent la région ; puis ce furent les Perses de Cyrus II, les armées d'Alexandre le Grand, les Séleucides, les Galates (une improbable tribu celte); ensuite, et grâce à Rome, ce fût au tour du royaume de Pergame de régner sur cette partie de l'Anatolie ; Rome repris alors la main, puis Constantinople , puis les Seldjoukides, ect..., etc..., comme un air de déjà vu en ce qui concerne l'Anatolie en général...
Gordion était la capitale de ce royaume et les rois Phrygiens (dont les premiers sont pour le moins légendaires !), s'appelèrent souvent à tour de rôle Gordias ou bien encore Midas ! Au premier roi Gordias (fondateur de la cité de Gordion) succéda son fils adoptif, Midas, célèbre héros de la mythologie.
Dans la légende la plus connue, Midas recueille Silène (un pote de beuverie de Dionysos) qui, ayant un peu trop bu, s'était perdu. Dionysos fini par le retrouver et tint à remercier Midas en lui accordant son vœu : transformer en or tout ce qu'il toucherait ! Après une éreintante journée à tout métamorphoser dans son palais, Midas souhaita prendre un peu de repos, mais il s’aperçût très vite qu'il ne pouvait plus ni boire ni manger, car chaque bouchée et chaque goulée se transformait en or ! Il supplia alors le dieu de reprendre son cadeau et Dionysos lui ordonna de se laver les mains dans les eaux de la rivière Pactole.... dont le sable se changea aussitôt en or. (Au delà de la légende, le Pactole était un petit cours d'eau près de Sardes particulièrement aurifère qui contribua à la richesse des Phrygiens, ainsi qu'à celle d'un fameux roi Lydien... un certain Crésus !).
Une partie des tumuli encore visibles autour de Gordion (google Earth)
On a retrouvé autour de Gordion la trace de plus de 100 tumuli de toute tailles qui étaient des tombes réservées aux élites. Le plus grand d'entre eux, de près de 300 mètres de diamètre et toujours haut de 53 mètres après près de 3000 ans d'érosion, fut à l'époque attribué (sans réelle certitude) au roi Midas III.
Entre 1957 et 1969, les archéologues mirent au jour la tombe située au centre de l'impressionnant monticule et constituée d'un coffrage en troncs de bois d'environ cinq mètres de côté, protégée par la suite par une solide maçonnerie ; l'ensemble était ensuite recouvert de milliers de mètres cubes de terre, sans plus aucun accès possible !
On a retrouvé à l’intérieur de cette chambre funéraire (à laquelle on accède aujourd'hui par un long couloir de 150 mètres de long) le corps du défunt (probablement le roi) entouré de mobilier délicatement sculpté ainsi qu'une incroyable variété de vaisselle en bronze (pas d'or, hélas !) dont les plus belles pièces se trouvent au Musée des Civilisations Anatoliennes d'Ankara.
Le musée de Gordion présente néanmoins une jolie partie de ces découvertes et nous raconte surtout l'histoire des fouilles. On peut également découvrir à l'extérieur du musée d'incroyables pavements constitués de petits cailloux noirs et blancs agencés en mosaïque. Ils furent découverts dans la citadelle de Gordion et, du haut de leur 3000 ans, ces pavements sont aujourd'hui considérés comme les plus vieux du monde !
A moins de 2 km du Tumulus, du musée et du village, se dressent les vestiges de la citadelle dont à peine un quart de la surface a, à ce jour, été fouillé.
La citadelle naturelle de Gordion, peuplée depuis l'âge du bronze s'est retrouvée, après les Hittites et les Phrygiens, sur la route de la soie mise en place par le perse Darius (route qui allait de Suse en Iran à Sardes). La butte fut donc presque toujours occupée et ce sont près de 4000 ans d'histoire que les archéologues ont la difficile tâche d'ici reconstituer...
Commentaires
Magistral cours d'Histoire ! Bravo, Pat.