Qu'au beau milieu d'une grande capitale, soixante dix hectares perchés en haut d'une colline soit totalement dévolus à la mémoire d'un seul homme, fut-il exceptionnel, n'est pas vraiment banal.

Si vous y ajoutez une allée de lions digne du temple de Karnak, une impressionnante volée d'escalier qui mène au pied de la colonnade pour le moins "Hachepsoutienne", le tout porté par d'allégoriques bas-reliefs et saupoudré de vibrants symboles ci et là, c'est rien de dire que devant tant de solennité et de majesté, l'on est infailliblement impressionné !

Mais tout a justement été conçu pour cela : du chemin qui serpente sur 600 mètres entre les arbres avant de  vous "déposer" devant les premières marches de la très large "Allée des lions" (longue de 300 mètres et ponctuée de 12 paires de félins d'allure hittite représentant symboliquement les 24 tribus Oghouzes - considérées comme les ancêtres des Turcs occidentaux modernes -), jusqu'à cette immense esplanade de 100 x 200 mètres sur laquelle s'élève, sur la gauche, le mausolée proprement dit.

Tout autour, de nombreux bâtiments (qui répondent aux doux noms de Tour de la Liberté, de la Révolution, de la Victoire, de la République , etc...) abritent différents musées ; qui de la Guerre d'indépendance, qui de la garde-robe de l'ancien petit père des Turcs, ou bien encore de sa jolie collection de voiture ! 

Anıtkabir (de anıt, "monument" et kabir, "tombe") est le nom que donnent les Turcs à cet impressionnant mausolée érigé à Ankara en l'honneur, donc, de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur et premier président de la République de Turquie.

Suite à sa mort survenue le 10 novembre 1938, la dépouille du Président sera dans un premier temps déposée au musée ethnographique, à moins de 2 km de l'actuel mausolée. Ce n'est qu'en 1941 que le gouvernement turc lance un concours international (finalement remporté par deux Turcs, comme par hasard !) et seulement en 1944 que le premier coup de pioche sera donné; neuf année plus tard, le 10 novembre 1953, jour anniversaire de sa mort, le corps d'Atatürk est transféré dans sa dernière demeure lors d’impressionnantes funérailles !

L'idée d'origine de concevoir un bâtiment qui accueillerait les tombes de tous les présidents de la République sera vite abandonnée et seul le successeur direct d'Atatürk, Ismet İnönü, (qui fut aussi son Ministre des Affaires Etrangères et son Premier Ministre) aura droit à une - relativement modeste - place dans l'Anıtkabir.

Si le calcul au départ était d'édifier un lieu à la hauteur de la légende du grand personnage mais aussi et surtout, de renforcer l'identité et la fierté du peuple turc, le pari est définitivement gagné...

Anıtkabir n’est d'ailleurs pas seulement un monument national mais aussi un important lieu protocolaire. Tout hôte officiel étranger doit s’y rendre pendant sa visite dans la capitale, y déposer une gerbe devant le cénotaphe de 40 tonnes (la tombe proprement dit se trouve plusieurs mètres au-dessous !) et signer le livre d’or. Tous les jours, à l'occasion de ces nombreuses visites, l'hymne national retenti et les centaines de visiteurs présents se figent d'un coup d'un seul ! 

C'est arrivé deux fois lors de ma visite et cela restent des moments d'une rare intensité, tout comme chaque 10 novembre à 09h05 (heure du décès d'Atatürk) où le pays s'arrête pendant deux minutes de respirer...

Toute cette organisation nécessite un grand nombre de militaires (où  d'ailleurs toutes les armées sont représentées !) et donc, par ricochet, de nombreux "changements de la garde", martiaux et sonores, pour la plus grande joie des petits et des grands... 

L'album se trouve ICI