Il y a bien longtemps se trouvait là des thermes romains, adossés sur les derniers arcs à l'est de l’Aqueduc de Valens. Ce sont sur les ruines de ces bains que furent édifiées une, puis deux églises (au 6e et 7e siècle) et enfin une troisième, vers 1197-1203 sur une partie des vestiges de la seconde.
En 1204, suite à la prise de Constantinople par les croisés et la proclamation de l'éphémère Empire latin d'orient (il durera moins de 60 ans !), l'église et ses dépendances monastiques seront attribuées aux moines franciscains.
Je voudrais revenir un instant sur cette date fatidique de 1204, car c'est elle qui marque réellement la fin de l'Empire romain d'orient (ou byzantin) En effet, si ce sont les ottomans qui porteront le coup de grâce à la prestigieuse cité en 1453, ce sont bien des croisés (avec des manœuvres en sous main de la République de Venise), tous de bons chrétiens donc, qui ont perverti l'esprit initial de la croisade et se sont retournés contre d'autres chrétiens !
Quand les empereurs byzantins récupèrent la ville en 1261, elle n'est plus que l'ombre d'elle même ! Vidée de ses richesses et d'une grande partie de sa population, elle ne retrouvera jamais sa puissance et deviendra une proie facile pour Mehmet II le Conquérant...
Mais revenons à notre église Theotokos Kyriotissa, de son nom byzantin.
En 1453, après la prise de Constantinople, le Sultan en attribue l'usage à des membres de son armée issus d'un courant du soufisme : les kalenders (elle devient alors la "maison" des kalenders : Kalenderhane).
Le bâtiment et ses dépendances ne sont donc pas immédiatement transformés en mosquée, contrairement à ce qui est souvent écrit, mais abriteront pendant près de deux siècles des médersas et autres imarets (genre de soupe populaire).
Ce n'est qu'en 1746 que le chef des eunuques du Palais de Topkapı transforme définitivement l'édifice en mosquée. Plusieurs fois ébranlée par des tremblements de terre et à chaque fois restaurée, elle est définitivement abandonnée en 1930 après que son minaret, touché par la foudre, se fut effondré.
D'important travaux de restauration, commencés dans les années 70, ont permis de mettre au jour toutes les strates des constructions primitives, mais également de redécouvrir des fresques et des mosaïques jusque là cachées et dont certaines, très précieuses, sont aujourd'hui exposées au musée archéologique.
L'ancienne église, en forme très classique de croix grecque est surmontée d'un dôme à seize nervures. De nombreux murs sont recouverts de plaques en marbre multicolore, comme il en existe dans la nef récemment ré-ouverte au public de l'Eglise Saint-Sauveur-in-Chora.
Ci et là, des frises, des colonnes et des chapiteaux en marbre (voir même quelques fragments de fresques) ont traversé les âges et nous offre un superbe exemple de ce à quoi ressemblait une église byzantine au 13e siècle !