Mehmed II, septième sultan de l'Empire ottoman, vient d'avoir vingt et un an quand il conquiert Constantinople, jusqu'alors capitale de l'Empire byzantin. C'est de ce fait d'arme que lui vient son surnom de "Fatih" (le vainqueur, le conquérant), nom que l'on donne également aujourd'hui au district d'Istanbul inclut à l'intérieur des Murailles dites de Théodose et qui correspondent tout simplement aux limites de la Constantinople du temps de la Conquête.
C'est sous le règne de Mehmed II que sera donc érigée la première des mosquées impériale ottomane de la nouvelle capitale. Le choix de l’architecte Atik Sinan se porte dès 1461 sur un emplacement au sommet d'une colline, compatible avec l'ambitieux projet à la gloire de son maître (320 mètres de côté, soit environ 100 000 m² de bâtiments, cours et jardins) ; il décide alors pour ce faire de raser l'Église des Saints-Apôtres, construite au 6e siècle et fort mal en point. Cette dernière, seconde plus grande église de la ville (après Sainte-Sophie) était également la principale nécropole des empereurs et impératrices Byzantins.
Les travaux, commencés en 1463, dureront sept ans. Le résultat ? Le premier exemple d’architecture monumentale, ottomane et islamique, à Istanbul qui inaugure un style ainsi qu'une longue tradition dont seront issues les mosquées Sulemaniye, Bleue, Yeni, Beyazit et autre Seyzade.
La Mosquée Fatih était bien plus qu’un simple édifice religieux. Le complexe original incluait un ensemble de constructions comprenant des médersas (écoles coraniques), une bibliothèque, un hôpital, un hospice, un caravansérail, un marché, un hammam, une école primaire et des soupes populaires, auxquels se sont ajoutées avec le temps des turbes (mausolées), dont celle, évidemment, de Mehmed II.
La légende raconte que le sympathique sultan, très insatisfait que le dôme de "sa" mosquée ne soit pas aussi élevé que celui de Saint-Sophie, aurait fait amputé Sinan des deux mains, puis l'aurait fais exécuté !
La mosquée originale a été endommagée à de nombreuses reprises par des tremblements de terre comme en 1509, 1557 ou 1754, mais elle fut toujours reconstruite. Celui de mai 1766 lui porta le coup de grâce : les plans furent alors redessinés et une nouvelle coupole fut érigée. Mis à part la cour, le portail d'entrée et les parties inférieures des deux minarets, issus de la construction originale, la mosquée telle que nous la découvrons aujourd'hui date en grande partie de la deuxième moitié du 18e siècle.
L'intérieur de la mosquée est un bel exemple du style inventé par l'architecte Atik Sinan et qui est directement inspiré de la basilique Sainte-Sophie. Les dôme et demi-dômes sont soutenus par quatre majestueuses colonnes de marbre dites à "pattes d'éléphant". Si le minbar est d'influence baroque comme la majeur partie de l'édifice, le mihrab date lui de la construction originale.