Le site six fois millénaire d'Alacahöyük garde encore bien des mystères, jusqu'à celui de son nom véritable.
De nombreux textes affirment que les Hittites avaient édifié une cité religieuse entièrement dédiée à leur principale divinité, la déesse du soleil Arinna. Ce centre cultuel originel, tout simplement nommé "Arinna" n'ayant jamais été retrouvé, de nombreux archéologues (aidés aussi par quelques indices convaincants, comme par exemple des représentations de processions) pensent aujourd'hui que la butte d'Alaca (höyük signifiant colline) pourrait bien être en définitive cette mystérieuse cité.
La difficulté avec Alacahöyük, c'est que le site existait bien avant que les Hittites ne se l'approprie et on n'y compte pas moins de quatorze niveaux de construction, la plus ancienne remontant au chalcolithique (l'âge du cuivre, qui se situe vers le milieu du quatrième millénaire).
Pour faire (très) synthétique, disons qu'il y eu dans un premier temps la présence des Hattis, puis ensuite celle des Hittites et enfin, brièvement, ce fut au tour des Phrygiens.
Cependant les murs cyclopéens que l'on découvre partout sur le site et qui ont servis de base aux impressionnantes murailles pourraient laisser imaginer une datation encore plus ancienne !
Un orthostate
Quoi qu'il en soit, c'est avant tout grâce aux sublimes trésors découverts dans treize tombes d'époque hattie (probablement dédiées à des princes de sang ou à de haut dignitaires religieux), retrouvés sur le site et datant du bronze ancien (3e millénaire) qu'Alacahöyük doit une grande partie de sa renommée.
Cinq de ses sépultures ont été conservées ; les corps sont recroquevillés dans les angles en position fœtale et, comme éparpillés tout autour, on a retrouvé des dizaines d'objets magnifiques, en bronze, en or, en cuivre ou bien encore en électrum (un mélange d'or et d'argent qui fut également très prisé par les Égyptiens !).
Ces objets, aux formes animalières (cerf, taureau, ...) ou totalement abstraites (cercles, rayons, torsades, svastikas, ...), interpellent par leur très grande originalité mais surtout par l'incroyable maîtrise technique que possédaient ces artistes hors pair... il y a cela plus de cinq mille ans !
Reconstitution de la Porte des Sphinx
Les Hittites rehaussèrent quand à eux les murailles et les tours défensives et les ornèrent de sphinx majestueux dont les yeux étincelaient de pierreries, ainsi que de nombreux orthostates (des pierres plates dressées, à la base des murailles ou des bâtiments) décorés de scènes religieuses ou de la vie quotidienne.
Toutes ces merveilles que nous découvrons sur le site ne sont malheureusement que des moulages, et mis a part une infime partie rétrocédée au musée du village ainsi qu'à celui de Corum, tous les originaux se retrouvent aujourd'hui dans le splendide (il faut bien l'avouer) musée des civilisations anatoliennes d'Ankara.
L'intérieur de la poterne
A l’été 2016, une étrange poterne (c'est à dire un tunnel qui passe sous la muraille) a été découvert à l'ouest du site. L'usage défensif de cette dernière étant jugée peu convaincant (car trop visible aux yeux d'éventuels ennemis), le fait qu'elle soit dotée de deux entrées différentes (de forme triangulaire d'un côté et carrée de l'autre) mais surtout à cause de son tracé étonnamment très courbé, ont fini par convaincre les archéologues que ce tunnel avait très certainement un usage sacré et cérémoniel.
L'entrée de la poterne à l'extérieur de la muraille
En résumé, si la visite d'Alacahöyük ne mérite peut-être pas à elle seule le détour, il est indispensable de l’associer à celles d'Hatussa et de Yazılıkaya, même si il faut pour cela vous attendre à une journée très chargée... et 400 km de route :)