Quatre ponts franchissent aujourd'hui l'estuaire de la Corne d'Or : ils relient les quartiers nord et sud d'Istanbul.
Si le Pont de Galata n'est pas à proprement parlé vraiment plus joli que ses trois voisins, il est le seul dont l'histoire et "l'âme" sont indissociable de la ville.
En effet dès le 10e siècle, et ce pendant plusieurs centaines d'années, c'est à peu près au niveau de ce pont qu'une chaîne était tendue d'une rive à l'autre, afin de dissuader les flottes ennemies. Les byzantins utilisaient également en complément de cette défense terriblement efficace le fameux feu grégeois, antique ancêtre du lance-flammes !
L'idée d'un premier pont germa dès 1500 dans l'esprit du sultan d'alors et Léonard de Vinci fut consulté. A t'il été appelé ou est t'il accouru (attiré par la folie du projet ?), rien n'est vraiment sûr. Ce qui est certain en tout cas, c'est qu'il en esquissa une ébauche (ci-contre).
Bien que les architectes d'aujourd'hui pensent que ce pont tout en pierre, malgré sa taille impressionnante (les bateaux toutes voiles dehors devaient pouvoir passer en-dessous !), était techniquement viable, il ne verra pourtant jamais le jour...
D'ailleurs en 2001, près d'Oslo, une reproduction (plus petite et toute en bois) a été réalisée d'après le croquis du génial inventeur (voir ICI et LA)
Michel-Ange, lui aussi, vint également semble t'il jusqu'à Constantinople pour le même projet, mais sans plus de succès...
Le "premier" pont de Galata ne sera finalement construit qu'en 1845 ! Suivront, au même endroit, quatre autres "versions", en 1863, 1875, et 1912, soit quatre ponts en 67 ans !
Celui que nous découvrons aujourd'hui, mis en service en 1994, est devenu de facto l'un des plus récents de la ville (après le Pont métro Haliç, inauguré en 2014), et cela malgré la riche histoire qui le précède...
Mais ce pont est plus qu'un pont ! C'est comme un trait d'union dans la capitale. Quand on se tient en son milieu, on découvre d'un côté la ville "historique" et ses quartiers ottomans rythmés par les gracieux minarets. De l'autre côté s'élance la colline de Galata, coiffée de sa tour génoise éponyme, qui annonce l'Istanbul "moderne" des quartiers de Beyoğlu.
En face, à moins de 3km, se trouve la rive asiatique...
Le pont de Galata, c'est aussi bien sûr sa foule de pêcheurs à la ligne qui, accoudés au parapet quelque soit le temps, attendent patiemment leur parfois bien maigre butin !
Et puis il y a l'incessant ronronnement des bateaux-bus, le flot des promeneurs nonchalants, la musique des cornes de brume en plein soleil, le tramway qui passe là, les marchands ambulants, les coups de vent iodés... et ce bleu si particulier de l'estuaire...
Tout cela serait déjà un enchantement, mais il y a encore plus à l'étage inférieur : des dizaines de restaurants et de bars égrènent leur terrasse et appellent à une pause "chicha" bien méritée.
Partout le poisson est roi : On l'a dans l'assiette en même temps qu'on le découvre encore tout frétillant, hameçonnés en grappes aux lignes que remontent les pêcheurs au dessus de nos têtes. Parfois c'est un seau vide qui dégringole du haut du pont, avant d'être remonté, plein d'eau de mer...
Jusque tard dans la nuit, l'heure du dîner passée, nombre de ces lieux, désuets ou carrément branchés, se transforment alors en "boîte de nuit", à la plus grande joie des noctambules.